De grands immeubles blancs apparaissaient au-dessus des arbres. Ils étaient les souvenirs du dernier plan d’urbanisation. Depuis une soixantaine d’années, plus rien n’avait été construit. On se contentait de rénover de rares logements. Au-dessus, quelques appareils volaient, probablement des taxis. Ils étaient accessibles à toute personne disposant d’un salaire mensuel. Cela faisait pas mal de monde, mais les trois quarts de la population n’avaient aucune ressource.
« Et que veux-tu faire ? s’enquit Léo.
— Tourner des films… Des vidéos…
— C’est très intéressant et ça devrait te rapporter beaucoup. Si un jour, tu veux tourner des scènes de sexe, fais appel à moi.
— J’y penserai.
— Non, je plaisantais. Il te faudra des années pour en arriver là et, d’ici-là, tu te feras sauter par des milliers de mecs. Tu m’auras oublié, mais moi, je penserai à toi.
— Pas si tu fais quelque chose pour te rendre inoubliable. J’ai tendance à aimer les garçons comme toi.
— Fais attention, je suis un mauvais garçon.
— J’aime les mauvais garçons. »
Juliette passa une main entre le slip et la fesse droite de Léo. Elle aurait aussi bien pu lui arracher son unique vêtement et entamer un acte sexuel. C’était permis mais les gens gardaient tout de même une certaine retenue. On avait compris que la promotion du sexe était de loin le meilleur moyen de divertir la population, ce qui était précisément le rôle du jeu auquel Léo espérait participer.
Par ce temps, on était de toute façon peu vêtu. Les hommes étaient fréquemment torse nu et toutes les femmes montraient leurs jambes. Au-dessus de la ceinture, surtout quand elles étaient à la maison, elles ne portaient que des soutiens-gorges. Il n’y avait guère à se protéger du soleil car des arbres avaient été plantés en abondance. Des façades d’immeubles étaient recouvertes par la végétation. Elles témoignaient d’un effort mondial pour faire baisser le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Quand ils eurent quitté le parc, Léo et Juliette se retrouvèrent sur une chaussée peinte en blanc car cette couleur permettait de modérer la température de la ville. Quelques voitures électriques ou à hydrogène y circulaient. Il y avait aussi des vélos, cette invention simple et ancienne qui n’avait jamais été surpassée. Léo en avait récolté un ancien, tout rouillé et crissant, puis il l’avait mis à la ferraille.
Il n’était pas facile de trouver un endroit tranquille ! Beaucoup de citadins descendaient sur le trottoir pour y discuter, assis sur des chaises ou des nattes, voire à même le sol. C’étaient des instants de quiétude où les soucis quotidiens étaient oubliés.
« On va chez toi ? proposa Juliette. Tu habites où ?
— Je préfère aller ailleurs.
— Parce que ta copine s’y trouve et que tu ne veux pas qu’elle nous voie ensemble ?
— Je n’ai pas de copine, mais je partage un appartement avec plusieurs personnes.
— Qui ça ?
— Il y a un jeune couple et une femme plus âgée que moi.
— Ce n’est pas ta copine ? Vous avez forcément des relations sexuelles !
— Oui, mais seulement parce que nous sommes obligés de dormir dans le même lit. Et elle a vingt ans de plus que moi…
— Où sont tes parents ?
— Je n’ai plus de mère depuis longtemps et je n’ai plus beaucoup de relations avec mon père. On ne s’entend pas bien. »
Les deux jeunes gens se tenaient à présent par la main. Ils avançaient sur un trottoir de l’avenue en regardant les ruelles qui y débouchaient. Toutes étaient encombrées par les nattes et les matelas des gens qui dormaient dehors.
« Ou alors, on va chez moi ? proposa de nouveau Juliette.
— Il doit bien y avoir un endroit où se mettre. »
Le jeune homme entraîna Juliette dans une ruelle ou plusieurs familles vivaient. Des bâches avaient été montées pour se protéger de la pluie. Malgré ces abris de fortune, le lieu était propre. Léo savait pourquoi, puisque c’était des gens comme lui qui étaient chargés de les nettoyer.
Ils arrivèrent derrière les immeubles et trouvèrent un petit jardin où ils n’étaient nullement à l’abri des regards, mais un mur avait un renfoncement qui pouvait servir d’alcôve. À côté, Léo vit une porte ouverte, passa la tête dedans et distingua dans la pénombre un vieil homme en train de somnoler sur le sol de ciment, la tête sur un coussin.
« Je crois que ça ira », dit-il en plaquant Juliette dans l’alcôve, les bras en l’air.
Il approcha son visage de celui de la jeune fille comme pour l’embrasser sur la bouche, mais il déposa un baiser humide sur chacun de ses yeux. Elle s’empressa de fermer les paupières, tout en se laissant gagner par un frisson d’envie pour ce mâle qui l’immobilisait contre le mur d’un manière autoritaire.
« Qu’est-ce que tu fais ? murmura-t-elle.
— Ce n’est pas correct d’embrasser une putain sur la bouche, répondit-il. Alors je le fais sur les yeux. »
Il approcha tout de même ses lèvres de celles de Juliette, si près que leurs respirations se mêlèrent.
« Tu as payé pour me posséder, répliqua la jeune fille. Prends-moi comme tu veux.
— C’est trop intime. »
Après avoir survolé la bouche de Juliette, les lèvres et la langue de Léo se dirigèrent vers une joue. L’odeur de sa salive gagna furtivement les narines de Juliette. Le jeune homme lâcha ses bras et se baissa pour mettre sa bouche à la hauteur des seins, dont les proéminents mamelons bruns s’était dressés. Il en aspira un dans sa bouche et le suça à la manière d’un bébé, tout en triturant méchamment la chair de l’autre téton. La poitrine de Juliette devint pour elle une source de délices qui se propagèrent dans son corps et provoquèrent un tel alanguissement qu’elle se sentit flancher. Elle rêva d’être allongée, avec Léo penché sur elle, et de se livrer corps et âmes à ses caresses. Cependant, il éloigna sa bouche tout en retenant son mamelon et tira dessus jusqu’à en faire rayonner de la douleur. Quand il le lâcha, le sein reprit sa forme arrondie sans conserver de trace de ce molestage.
Léo poursuivit sa descente en léchant la peau satinée et chaude du ventre de Juliette, sans oublier son nombril. Une fine pellicule de transpiration la recouvrait. Quand il arriva au niveau de la culotte, il la baissa d’un geste si brusque qu’il aurait pu provoquer un déchirement. La prostituée poussa un petit cri.
« Je me demande à quoi ça rime de porter ce morceau de tissu, dit-il. Pourquoi tu ne te balades par complètement nue pour racoler ?
— Ça ne m’a pas empêché de t’accrocher. »
L’explication était que lorsque Juliette n’avait pas quitté son appartement pour racoler, mais que quand elle avait vu Léo, elle avait décidé de lui sauter dessus.
« Mouais… fit-il. Tu n’as pas envie qu’on se promène comme ça avant de baiser ?
— Tu ne veux pas m’enfiler maintenant ? »
Le vagin brûlant de Juliette réclamait la pénétration. Comme il avait une connaissance intime des sexes féminins, Léo voyait que ce fruit était mûr. Un effleurement de l’index lui en avait fait sentir le jus. Après avoir jeté la culotte au loin, il effectua une incursion sauvage dans le vagin de Juliette en y enfonçant deux doigts en même temps. Elle réagit par un gloussement et un spasme.
« Ça te va ? demanda Léo.
— Oh oui !
— Je te balade comme ça ?
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— J’ai souvent vu des femmes tirer des hommes par la pine, mais un homme qui tire une femme par la chatte, c’est plus rare. Viens, on va faire un tour. »
D’un mouvement brusque, il sortit Juliette du renfoncement, qui ne les avait pas du tout protégés des regards. Toutes les personnes passant par là les avaient vus et un homme avait ralenti pour savourer cette scène. Léo fit un demi-tour sur lui-même et prit le chemin par lequel il était venu, l’index et le majeur toujours plantés dans le sexe de Juliette, recourbés afin de bien le crocheter. Celle-ci avait la respiration saccadée sous l’effet de ses éclairs de jouissance, d’autant plus violents que la main de Léo encerclait son clitoris. Le fait de marcher accentuait ce tumulte.
Pour Léo également, l’expérience était agréable. Il appréciait de sentir ses doigts enserrés dans cette gaine de chair, restée étroite malgré les innombrables pénis venus y déverser leurs fluides, et de recevoir sur sa peau le ruissellement de ce sexe de femme. Il avait conscience d’offrir un spectacle peu commun et recevait comme un hommage les regards qui lui étaient donnés. Juliette ne ressentait aucune gêne. Elle faisait partie de ces catins qui officiaient nues, et même quand elle ne travaillait pas, elle se contentait de dissimuler son entrecuisse. À force de vivre ainsi depuis des mois, il lui était devenu pénible de remettre un vêtement, aussi léger fût-il.
Le couple revint de la sorte jusqu’au parc, où un cycliste manqua de faire une chute sous l’effet de la surprise. Ce fut à ce moment que la montre de Léo émit un signal sonore. Il la regarda et vit le nom d’Eumédia s’afficher.
Aussitôt, il la porta à son oreille et entendit une voix féminine :
« Bonjour. Vous avez été sélectionné pour le prochain Jeu du sexe et de la mort. Veuillez vous présenter vendredi au taxiport numéro huit à dix heures quinze, sans apporter de bagages. Vous serez conduit dans le bâtiment Eumédia où les préparatifs commenceront le jour même. Nous vous souhaitons bonne chance. »
Léo en resta pantois.
« Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta Juliette, dont le vagin avait enfin été libéré de son poinçon.
— C’est Eumédia.
— Oui ? Et alors ?
— Et alors, je suis pris.
— Tu t’es inscrit au jeu et tu viens de recevoir la réponse ?
— Oui. »
Il fallut quelques secondes à Juliette pour comprendre pleinement ce qu’il voulait dire.
« C’est vrai ? fit-elle.
— J’ai l’air de mentir ?
— Je peux écouter le message d’Eumédia ? »
Léo colla sa montre contre l’oreille de la jeune fille, qui écouta l’invitation les sourcils froncés par sa concentration.
« Ça te semble vrai ? s’enquit Léo.
— Tu as le profil nécessaire. Je ne suis pas étonnée que tu sois sélectionné. »
Léo savait qu’il n’avait pas été choisi par des êtres humains. La société Eumédia avait accès à toutes les données récoltées sur lui depuis sa naissance, si bien qu’elle le connaissait mieux qu’il ne se connaissait lui-même. Un ordinateur les avait analysées et comparées avec celles des autres candidats puis en avait tiré les conclusions.
On savait que cette surveillance s’insérait jusque dans l’intimité des gens. Même les toilettes publiques étaient pourvues de caméras. Dans ces conditions, ce n’était pas la peine d’avoir de la pudeur. Les images étaient normalement mises à la disposition des municipalités ou de l’État, mais il n’existait pas de vraie frontière entre ce dernier et Eumédia.
En levant les yeux, Léo vit une caméra de surveillance fixée comme un œil noir sur un mur blanc. Il comprit alors pourquoi cet appel était arrivé
« Salut ! lui fit-il avec un signe de la main.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Tu vois cette caméra ? Je parie que nous avons été filmés depuis le début et que les images sont parties chez Eumédia, qui les a analysées en direct.
— C’est possible.
— Si c’est vrai, je dois te remercier. Sans toi, je ne serais pas venu ici, je ne t’aurais pas tirée par la chatte et je n’aurais pas été sélectionné. Il est normal que je te donne une partie de mes gains.
— Tu es sérieux ?
— Donner est une obligation, alors je t’en ferai profiter. Félicite-toi d’avoir accepté de baisser ton prix d’un euro, puisque sans cela, je serais parti. Ça te rapportera des dizaines ou des centaines de milliers d’euros, je ne sais pas trop. »
Juliette se mit à réfléchir sur ce qu’elle pourrait faire avec la fortune qui lui était promise, mais cette perspective était beaucoup trop vaste pour être explorée en si peu de temps. Elle lui donnait le vertige. D’abord, il fallait que Léo l’inscrive parmi les bénéficiaires.
Le règlement du jeu exigeait que les vainqueurs donnent la moitié de leurs gains à des membres de leur famille, des amis ou des individus choisis par la société Eumédia s’ils ne connaissaient personne. Il n’y avait aucune limite au nombre de bénéficiaires. Si un participant était tué, la totalité de ses gains revenait à ses héritiers, or un participant sur deux devait mourir. C’était un principe fondateur de l’émission.
« Je te contacterai quand tu seras là-bas, dit Juliette. Je pourrai le faire, n’est-ce pas ?
— Je crois que les bénéficiaires sont en relation permanente avec les participants.
— Quand pourras-tu me désigner ?
— Il faut attendre d’être là-bas. C’est moi qui t’appellerai.
— Ça te dirait de rencontrer ma famille ? proposa Juliette.
— Pourquoi pas ?
— Ils vont tous profiter de ta générosité, alors j’aimerais qu’ils puissent te voir en chair et en os.
— En chair surtout », corrigea Léo.
Les os évoquaient la mort et il n’avait pas l’intention de mourir.
Si c’est vrai, je suis la plus chanceuse fille du monde, se dit Juliette. Je prends un client au hasard, et hop ! Je deviens millionnaire.
Mais non ! En réalité, elle n’avait pas choisi Léo au hasard. Elle admirait chaque muscle de son corps et il lui tardait de découvrir son pénis.
Elle prit son nouveau copain par la main pour le conduire chez elle, avec l’intention de lui retirer très vite son slip de bain.